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Nos langues, nos héritages !

         En consultant le dictionnaire de linguistique de Georges Mounin rédigé en 1974, je suis tombée sur la définition suivante :

 

« Langue : tout système de signes vocaux doublement articulés, propre à une communauté humaine donnée. En linguistique, l’allemand littéraire, l’allemand de Souabe, l’alsacien, le breton, le créole de Guadeloupe sont des langues au même titre. »

 

Ce dictionnaire n’est pas tout récent, mais cette définition nous ramène à une réalité trop souvent oubliée malheureusement : il n’existe pas de langues qui soient plus nobles  que d’autres. Ceci paraît très clairement à travers les exemples proposés par Georges Mounin afin d’illustrer ses propos. Les discours selon lesquels la science justifierait une telle hiérarchisation sont complètement erronés. Mais, certains l’oublient parfois, … et même tout le temps.

        Étant guadeloupéenne, il y a ce je-ne-sais-quoi dans cette définition qui m’a donné envie de la partager. Elle m’a d’ailleurs aussi amené à penser au fait que nous n’estimons généralement pas devoir interroger notre rapport aux langues. Il s’agit pourtant d’une démarche importante que nous devrions, à mon avis, tous entreprendre. Je crois qu’au moins une fois dans nos vies, nous devrions faire une PAUSE afin de revisiter le regard que nous portons sur les langues. De même, nous devrions également prendre le temps d’interroger tout particulièrement le rapport que nous entretenons avec la ou les langues(s) que nous parlons.

        Comme nous le savons, ces idiomes sont des outils qui nous permettent de communiquer. Grâce à eux, les différents groupes humains peuvent se dire et dire leurs réalités. Ils traduisent par ailleurs le rapport que nous entretenons avec l’environnement dans lequel nous évoluons.

 

Les langues sont donc bien plus que de simples successions de sons et de mots que nous utilisons afin de formuler des idées.

 

Chacune révèle une perception de l’univers tout entier. Chacune confère ainsi la possibilité d’accéder à un regard spécifique sur l’existence. Elles déterminent donc même ces idées que nous pouvons avoir.

 

Il me semble que chaque population en développant une langue a en réalité amené à la conscience humaine une part de vérité sur l’essence profonde de l’Univers.

 

À l’instar des cultures, les langues sont dès lors de véritables joyaux. Chaque peuple est en cela acteur de la constitution du patrimoine de l’humanité.

 

Il est possible de considérer que la pratique de plusieurs langues permet d’étendre nos champs de vision, de connaissances et donc d’accéder à un plus haut niveau de conscience de Soi, de l’Autre, de Nous.

 

        La maîtrise de plusieurs langues est par conséquent une vraie richesse ! Il est important de se rappeler que cela implique toutes les langues. Peu importe le nombre de locuteurs, les territoires où elles sont pratiquées, etc. Connaître plusieurs langues c’est être en mesure de percevoir et de dire le monde à partir de différentes perspectives. Les avantages qui en découlent sont nombreux. À ce propos, nous pouvons notamment retenir que les scientifiques ne cessent de souligner les bienfaits du plurilinguisme sur le fonctionnement du cerveau.

        Étant issue d’une société bilingue, je crois sincèrement que vivre pleinement sa ou ses langue(s) c’est tout simplement s’offrir la possibilité d’Être pleinement. Malheureusement,  nombreux sont celles et ceux qui ne considèrent pas qu’ils sont porteurs d’un pan significatif du patrimoine de l’humanité. Ils pensent avoir tout à apprendre des autres et ne rien avoir à transmettre. Il y a également ceux et celles estimant pouvoir mépriser des langues qui leur sont étrangères parce qu’ils se croient doter de qualités qui leur permettent de nier l’humanité d’autres groupes humains.

 

Or, toutes les populations sur terre sont détentrices d’un trésor constitué des connaissances enfouies dans les cultures et les langues qu’elles ont créées.

 

Penser notre rapport aux langues c’est en réalité penser notre rapport à  … NOUS-MÊMES (Nous, individu, donc un et Nous, membre de la famille humaine, donc partie de l’ensemble).

 

La place que nous accordons aux langues découlera toujours de la place que nous considérons pouvoir accorder à … NOUS-MÊMES.

 

Accepter sa ou ses langue(s), c’est s’accepter. S’affirmer et aller de l’avant avec sa ou ses langue(s), c’est choisir de croire en soi, en son humanité et en sa capacité à transformer positivement le monde dans lequel nous vivons. Parallèlement, respecter les autres langues c’est reconnaître et respecter l’humanité de ceux et de celles qui les ont créées. C’est aussi croire en l’harmonie et à l’unité entre tous les Êtres Humains. C’est donc accorder davantage de vie sur Terre à cette harmonie et à cette unité. Je sais que ce parallèle que je fais pourra paraître excessif à certains. Je me permets tout de même ce partage, invitant les uns et les autres, à questionner leur rapport aux langues et à leur(s) propre(s) langue(s) car, sans que nous nous en rendions compte, ces regards que nous portons déterminent qui nous sommes. J’espère donc que ces propos permettront l’ouverture de dialogues, qui seront probablement juste intérieurs pour la plupart, mais qui sont essentiels pour le mieux-Être de tout un chacun, donc de TOUS.

Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

Une réflexion sur “Nos langues, nos héritages !

  • Je suis entièrement d’accord ! Je suis allemande vivant en France et j’ai beaucoup d’amis guadeloupéens. Du coup, j’ai voulu apprendre le créole. En Allemagne, cette démarche était bien perçue par tous, en France, tous m’ont demandée « pour quoi faire » ou ont dit « ça ne sert à rien, ils parlent tous français ». En Allemagne chaque langue est considérée comme importante pour véhiculer une culture, chaque langue au même titre. On ne cherche pas l’utilité, ressentir le besoin ou le plaisir est un argument valable.

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