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Pou vwayajé toujou plis adan sa ki ka fè Nou

Le tambour et ses secrets

« J’ai grandi à Brazzaville dans un quartier dans lequel il y avait beaucoup de musiciens. J’ai commencé à jouer quand j’étais enfant. Dans mon quartier, tous les jours, il y avait du tambour. Le tambour vraiment c’est ma vie. Avec mon tambour, je ne fais qu’un. Le tambour me permet de voyager dans d’autres horizons. Il me permet de rester en contact avec nos Ancêtres. Le tambour me permet de m’exprimer. C’est mon outil afin de tout laisser sortir : joie, tristesse, etc.

Au temps de nos Ancêtres, le tambour permettait de rassembler tout le monde.

Tout se passait avec le tambour. C’était un élément majeur dans un village. C’est la raison pour laquelle le tambour est encore très présent dans nos communautés. Je crois que nos Ancêtres nous transmettent à travers le tambour. C’est un lien direct avec nos Ancêtres. On ne peut pas le faire disparaître. Il occupera toujours une place importante.

J’ai à cœur de jouer les rythmes selon la tradition. Je prends le temps de partir dans différents coins du Congo et d’autres régions d’Afrique afin de comprendre pleinement chaque rythme qui nous a été légué. Je fais des recherches afin de comprendre le sens profond des rythmes. Ce voyage-là aussi à travers la tradition est important.

La diversité des rythmes est un code qui permet aux différents peuples de garder et de transmettre son mystère.

Les variations des rythmes sont liées aux différentes identités. Chacun a son code afin de se différencier. Chacun se dit à sa manière. Un même rythme peut être joué différemment. Chacun y met sa touche. Il faut aussi savoir que le musicien est directement en contact avec les Ancêtres donc en fonction du message reçu, il peut être amené à jouer différemment. C’est le lien avec les Ancêtres qui explique cela. Aussi, il y a le tambour lui-même puisque c’est un instrument qui permet d’éduquer les nouvelles générations.

Le lien avec le tambour est sacré.

Il permet aux peuples de garder une certaine force quoiqu’il arrive, de se construire positivement. Avec la modernité, la mondialisation et tout, heureusement que l’on a le tambour pour rester debout. Dans la Caraïbe, les rythmes proviennent, à mon avis, des 4 coins d’Afrique. Je suis venu en Guadeloupe et en Haïti, je n’y suis pas resté longtemps, mais quand j’ai entendu les musiques traditionnelles, j’étais très content de voir que l’Afrique était toujours présente.

Les noms des rythmes sont souvent énigmatiques. On ne sait pas souvent quel est leur sens. Mais les mots sont toujours importants. Les sons aussi sont importants. Il faut aussi savoir qu’il n’y a pas de façon de danser.

On doit danser comme on le sent. Le musicien doit être en communion avec le danseur. Il s’agit de musique avec le corps, le danseur répond au tambour. Il n’y a pas une façon de faire. C’est une communication qui s’installe.

Si on connaît la danse de la région, on la danse. Mais, ce n’est pas le plus important. Chacun comprend le message à sa façon. Donc, l’important est d’être toujours à l’écoute et de vivre la danse. Le tambour parle, et le danseur aussi a des choses à transmettre au musicien. C’est pour cela qu’on parle de communication ou de communion entre danseur et musicien. Le lien entre le tambour et le danseur est très important. Jouer au tambour, ce n’est pas faire du bruit. Il faut être profond. Nos Ancêtres nous parlent. On ne peut pas jouer sans être concentré. Là, on peut ressentir les choses. La danse aussi ce n’est pas juste reproduire des pas. Pour danser aussi, il faut accepter d’être profond et de ressentir les choses.

Nos Ancêtres s’expriment à travers le tambour, la danse et à travers le chant.

On peut ne pas comprendre le message immédiatement, mais on a la possibilité d’accéder au sens par la suite à travers ce que l’on vit.

Même lorsqu’il n’y a plus le côté spirituel, chacun sait que le tambour parle. Avec la modernité, même en Afrique, on perd parfois le côté initiation. Beaucoup apprennent dans les écoles ou dans un groupe. Traditionnellement, la transmission se faisait au sein des familles. Les codes étaient transmis ainsi. Tout le monde peut apprendre la percu aujourd’hui.

La chose importante qui est restée c’est le respect pour le tambour.

Je conseillerai à chaque musicien de faire la part des choses. Jouer au tambour, ce n’est pas faire le show. Le joueur de tambour doit transmettre des messages. Pour cela, la concentration est essentielle. Tous ceux qui écoutent reçoivent le message transmis par le tambour.

Cette communion avec les Ancêtres est là pour nous apporter le bien-être. »

A. M., percussionniste congolais

Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

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