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Krimy : un style posé et des lyrics qui percutent

Krimy, Simple et hardcoreMembre du groupe Hillphonists et du collectif Hip Hip Bò Kay, Krimy (aussi appelé Kriminal) fait partie des rappeurs qui ont su se faire un nom dans le monde du rap en Martinique dès les années 1990. Il fait partie des rappeurs de référence de la mouvance hip hop kréyòl. Simple et hardcore, tel qu’il le précise avec son album solo sorti en 2011, Krimy est un artiste qui « crache ses mots » afin de partager son regard sur le monde et inviter à une prise de conscience sur les problématiques qu’il aborde à travers ses textes. Nous vous proposons de découvrir le parcours de cet artiste incontournable de la scène rap martiniquaise.

 

Comment as-tu découvert le rap ?

À une époque, on regardait l’émission H.I.P. H.O.P. avec Sydney qui passait en télé. Avec cette émission, j’ai découvert ce que c’était. Puis les années ont passé, mon frère m’a permis de connaître beaucoup plus cette musique. Et, quand j’ai découvert Public Enemy, tout a changé pour moi. C’est tout un mode de vie que j’ai adopté.

Il y avait-il déjà une scène hip hop active en Martinique quand tu as commencé ?

J’ai débuté en 1994 mais comme je suis né là-bas, tout cela je le découvre en France. Après, quand je suis arrivé ici, j’ai découvert le son local et le dancehall. J’ai même commencé à toaster dans les rues de mon quartier. Je faisais surtout des impros. Mais j’ai fini par me dire que ma base c’est le hip hop. Donc, je suis revenu au rap. Quelques années après, je découvre Nègkipakafèlafèt, tout le posse Hip Hop Bò Kay avec Pearl. J’intègre le groupe Artistes illimités. Et l’aventure commence.

Comment as-tu réussi à te connecter avec ces autres artistes ?

J’ai connu des frères au lycée comme Pearl et Steel des Nègkipakafèlafèt. Ensuite j’ai eu la sœur de Marco Polo dans ma classe. Donc en bref on a fait des connexions comme ça. Puis, je commençais à tjèk les frères. Après j’ai rencontré Boogie Flaha, Nèg Lyrical, …

Et de là, il y a eu le 1er sound system où je suis allé. Les samedis, il y avait aussi l’émission hiphopbokay sur Campus FM, j’avais la chance d’y aller. Au début, j’y allais juste pour regarder comment ça se passait. Puis, il y a eu des invitations pour rapper.

Avec le collectif, comment ça se passait à l’époque ?

Dans le Hip Hop Bò Kay, au début il y avait les Nègkipakafèlafèt, Artistes illimités, les Nouvo Gryo et Cénoumenm. On partageait tout. On s’entraînait les uns chez les autres. On avait souvent des rendez-vous chez les Nouvo Gryo.

On faisait aussi des Krazé goj. Ces moments ont été très importants. C’était une école du hip hop martiniquais. On se rencontrait sur le parking des taxis Pointe Simon. On faisait des gros freestyle en plein Fort-de-France. Il y avait la voiture d’un pote qui envoyait du son et tout le monde rappait ses textes. Il y avait là une saine compétition. Chaque semaine, on cherchait toujours à venir plus fort afin d’avoir le meilleur texte.

Il y a eu aussi des soirées hip hop qui ont commencé depuis l’Hermitage et se sont poursuivies dans différentes boîtes de nuit de l’île. Lyrical en faisait beaucoup en ville. Nous aussi, Artistes illimités, nous en avons organisées. Nombre de rappeurs de l’île sont passés par ces soirées.

À quel moment, le groupe Hillphonists est-il apparu ?

Suite à la sortie du maxi Sé kon sa nèg ka mò en 1996. C’était une co-production. On a beaucoup galéré pour le faire. Il y a eu une scission dans le groupe. Pearl c’est lui qui avait créé les Artistes Illimités. Lorsque le groupe s’est scindé, Pearl et moi nous avons créé le groupe Hillphonists.

Quels sont les autres projets sur lesquels tu as pu poser ta voix ?

J’ai posé sur beaucoup de mixtapes. En 2005, j’ai sorti la mixtape Liquiminal. Je suis ensuite parti sur Paris et j’ai pu faire des collaborations là-bas. Puis, à mon retour au pays j’ai travaillé sur mon album solo Simple et hardcore qui est sorti en 2009. 19 titres avec des invités : Boogie Flaha, Duduss, Papa Selah, Leslie, Rachid. La sortie officielle a été en 2011, mais dès 2009, il était déjà là en underground. Il y a eu un street album Hillphonists en 2015. Les morceaux n’ont pas été considérés comme étant des standards de radio, mais c’était du hip hop. Maintenant, les radios de musiques urbaines, je ne sais pas ce qu’elles recherchent exactement.

Dirais-tu que tu es un artiste militant ?

Je suis en effet un artiste engagé. Je n’ai pas que des sons militants mais certains sujets me tiennent à cœur tels que les problèmes de nos jours comme la violence, la délinquance, les choses un peu dures de la rue, et j’ai toujours beaucoup aimé parler à ma communauté hip hop.

Au niveau underground, vous étiez organisés. Pourquoi, selon toi, le rap n’a pas réussi à occuper une place forte en dehors de l’underground en Martinique ?

C’est parce qu’on faisait avec nos propres moyens. On n’était pas dans les journaux, pas à la télé. Et à l’époque, la majorité des gens n’écoutaient pas le rap. Maintenant ça a changé. La tendance s’est renversée.

Le collectif Hip Hop bò kay fait à nouveau parler de lui en ce moment.  Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Suite à un événement tragique, nous avons pris la décision de nous réunir et de travailler tous ensemble. On a décidé de faire une réunion de MCs de Martinique. Certains sont ici, d’autres sont en France. Ce sont les groupes du noyau dur : Hillphonists, Lé nèg, Cénoumenm, Young Militants. On fait du hip hop, on pose sur des sons d’époque comme sur les sons actuels.

On va sortir des morceaux le plus souvent que possible. On pense faire quelques connexions avec d’autres MCs. Nous sommes une dizaine. Le principe est de sortir un maximum de morceaux. Nous souhaitons être présents et lâcher des sons. On peut les écouter sur notre Bandcamp et nous avons des vidéos sur notre page Youtube. On espère faire des scènes lorsque les choses reviendront à la normale.

Continuez-vous à vous placer dans la mouvance hip hop kréyòl ?

Absolument. C’est du 100 % kréyòl. On veut montrer l’école du hip hop martiniquais et perpétuer ce travail. On est toujours présents et nous avons plus de maturité. Nous avons de quoi nourrir l’esprit de la nouvelle génération et de ceux qui nous ont suivis avant.

Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

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