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Christiane Obydol (aka Zouk Machine) : entre mémoire et innovation musicale

Photo de Christiane Obydol (aka Zouk Machine)

Originaire de Guadeloupe, Christiane Obydol fait partie des artistes qui ont fait rayonner le zouk au niveau international. Chanteuse du groupe Zouk Machine depuis sa création, elle évolue désormais en solo et se fixe pour objectif d’œuvrer pour la préservation du patrimoine musical créé par ce groupe. Elle est également l’auteur du livre Bases et voix de la scène dans lequel elle partage les connaissances qu’elle a pu acquérir afin de permettre à ceux et à celles qui envisagent de réaliser une carrière de chanteur d’appréhender aisément les exigences de ce métier. Elle nous présente ici l’histoire de Zouk Machine ainsi que ses récentes productions.

Comment l’aventure Zouk Machine a-t-elle démarré ?

Tout est parti d’une idée de mon frère Guy Houllier. Il voulait créer un groupe de femmes. À l’époque, il voulait constituer un groupe composé exclusivement de femmes, mais il ne trouvait pas de musiciennes. Il a donc décidé de créer un groupe avec des voix féminines qui a été accompagné musicalement par les musiciens de son groupe Expérience 7.

Il a fait appel à Joëlle Ursull, à Dominique Zorobabel, à Tanya Saint-Val aussi, mais à l’époque elle préparait son premier album solo donc elle a décliné l’invitation. Et moi, j’étais aux États-Unis. On m’a fait rentrer. Et, on a démarré Zouk Machine en 1986 avec mon beau-frère Yves Honoré.

Comment s’est opérée la sélection ? Pourquoi ces 4 voix au départ ?

En fait, c’est Guy qui a décidé. Dominique, Tanya et moi, nous chantions déjà. Nous faisions des chœurs dans le studio d’Henri Debs. Joëlle était une amie proche de la famille. Elle avait une carrière de mannequin, donc elle connaissait bien la scène. Et, elle avait aussi déjà commencé à chanter. Je pense que c’est ce qui a motivé son choix.

Et vous, vous étiez aux États-Unis en tant qu’artiste ?

J’étais partie pour faire une école de danse et de chant.

Vous y êtes resté combien de temps ?

Je suis restée 8 mois aux États-Unis. J’ai fait 6 mois de cours puis je suis rentrée pour intégrer Zouk Machine.

C’était prendre un grand risque. Vous avez fait le choix de rentrer pour quelque chose qui était totalement nouveau à l’époque.

J’avoue que j’ai beaucoup hésité. Surtout qu’au début aux États-Unis, j’ai quand même bien galéré pendant 2 mois. Je faisais du babysitting pour m’en sortir et payer mes cours. Lorsque mon frère m’a appelé pour Zouk Machine, on venait tout juste de me proposer de donner des cours de français. Les choses s’amélioraient pour moi et je pouvais sereinement continuer à suivre mes cours. Ça a vraiment été un choix difficile, mais je l’ai fait malgré tout.

Dès le premier album, Zouk Machine a cartonné aux Antilles. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Les femmes n’étaient pas très représentées en musique. Il y avait Gertrude Seinin, Jocelyne Béroard qui avait déjà commencé avant Kassav’, Ophélia de la Dominique, mais nous n’étions pas nombreuses. Donc, c’était un peu un challenge à l’époque de mettre des femmes sur le devant de la scène. Heureusement, ça s’est très bien passé.

La particularité de Zouk Machine c’est qu’on faisait les chœurs, on chantait et on dansait. C’était l’école américaine.  Ensemble, nous décidions de pas pour tous les morceaux. Chacune proposait ce qu’elle avait en tête et on le travaillait. C’était vraiment un travail d’équipe. On est arrivé avec ça et ça a fait toute la différence.

Jocelyne Béroard dit dans son livre qu’il a fallu le succès de Zouk Machine pour que son producteur accepte la réalisation de son premier album solo, car avant votre succès les albums de femmes se vendaient à peine aux Antilles. Votre succès a permis que les femmes puissent plus facilement être acceptées dans le monde de la musique chez nous. En étiez-vous consciente à l’époque ?

Non. En fait, nous étions jeunes. Nous avions 20 ans. Tout ce que nous voulions, c’était monter sur scène et chanter.

Pour la composition et l’écriture des textes, tout était géré par Expérience 7 ou il vous a été possible là aussi de faire des propositions ?

Le premier album a été géré par Expérience 7. Sur le deuxième album, nous avons eu chacune la possibilité de proposer une composition (texte ou musique).

Le succès était au rendez-vous, mais très tôt il y a eu une première séparation. Joëlle Ursull a fait le choix de quitter le groupe.

Oui, elle est restée un an et demi puis elle a fait le choix d’entamer une carrière solo. Et, Jane Fostin a intégré le groupe au début de l’année 1988.

Comment s’est opéré le choix de la nouvelle voix du groupe ?

En fait, c’est un de nos musiciens, Christian Miath, le batteur d’Expérience 7 qui nous a fait savoir qu’il avait vu en prestation une artiste avec une voix extraordinaire. Nous sommes donc allés la voir chanter dans un espace au Gosier. Dominique et moi avons vraiment été impressionnées par sa voix. Du coup, nous lui avons proposé de rejoindre le groupe et elle a accepté.

Vous avez travaillé beaucoup plus longtemps ensemble.

Jane est restée jusqu’en 1995, puis elle a aussi décidé d’entamer une carrière en solo. Là, Dominique et moi, nous avions fait le choix de continuer à 2.

Il semble que l’Afrique a été pendant longtemps la voie d’accès permettant à nos artistes d’entamer une carrière internationale. En a-t-il vraiment été ainsi pour vous ?

En fait, en Afrique, les gens étaient friands de zouk. Il y a même, en Angola, un musée du zouk qui n’existe pas chez nous. Ils ont tous les titres zouk que nous, nous n’avons plus chez nous. Encore aujourd’hui, ils apprécient particulièrement le zouk et sont demandeurs de cette musique.

Nous avons fait de nombreux concerts en Afrique. Ça a vraiment été une très belle époque pour Zouk Machine. Lorsqu’on jouait là-bas, on remplissait des stades de 60 à 70 mille personnes.

En plus, mon frère avait pensé à un super concept réunissant Expérience 7, Zouk Machine et Tanya Saint-Val. Expérience 7 accompagnait Zouk Machine et Zouk Machine assurait les chœurs de Tanya. Nous avons beaucoup tourné ensemble et nous avons fait de belles prestations là-bas.

Nous avons d’abord joué en Afrique puis progressivement nous avons touché d’autres territoires.

Avez-vous été des artistes professionnels dès le départ ?

Absolument. Dès le début, nous nous sommes vraiment consacrés à la musique.

Chez nous, il faut reconnaître qu’être un professionnel de la musique n’est pas forcément simple. Nous sommes sur de petits territoires. Il faut aussi savoir qu’un artiste ne peut pas tout faire seul. Autour de lui, il faut un attaché de presse, un manager, des choristes, des musiciens, un producteur. Sans tout cela, il ne peut pas être mis en lumière. Et bien sûr, il y a la question d’argent qui entre en jeu. La maison de disques met de l’argent pour que l’artiste passe en télé, etc. Encore aujourd’hui, il est compliqué d’être un artiste professionnel aux Antilles, mais nous avions fait ce choix et cela nous a permis de réaliser le parcours que nous avons eu.

Comment s’organisaient les tournées de Zouk Machine à partir du succès de Maldòn ?

On a fait beaucoup de spectacles en boîtes de nuit. C’est d’ailleurs ce qui a permis le succès de Maldòn. Le titre ne passait pas en radio. Grâce à un producteur de boîtes, qui s’appelait Tony Orsi, nous avons fait 114 boîtes en 2 mois et demi. Et c’est grâce à cela que la chanson est devenue de plus en plus populaire et les radios ont fini par la diffuser.

3 ans après, nous nous sommes installés en France. Avant, on faisait l’aller-retour tout le temps. On partait et on restait 3 mois à l’hôtel pour faire la promotion puis on retournait aux Antilles. Venir sur Paris finalement était bien plus simple.

Ceci dit, on a préféré rester sur la France et partir en tournée de temps en temps. Il faut savoir qu’il y a différents circuits. Il y a celui des festivals qui permet de tourner en international. C’est ce qu’a fait Kassav’. Mais, rien que sur la France, il y a un autre circuit qui permet de jouer pour les différentes mairies, dans différents patelins. C’est un peu comme chez nous avec les fêtes de communes et de quartiers. Zouk Machine a toujours été sur ces 2 circuits. Mais nous étions des femmes, nous avions aussi nos vies privées à gérer donc nous avions avant tout choisi de rester sur place et de voyager occasionnellement.

À partir de 1995, vous étiez 2. Vous avez surtout fait beaucoup de scènes.

Oui, mais nous avons aussi sorti un album en 1999 qui s’appelait 7 nuits blanches. Il comprenait les 7 morceaux plus connus de Zouk Machine et 7 nouveaux titres.

Zouk Machine fait partie des rares groupes antillais qui ont réussi à avoir un important impact au niveau international. Qu’est-ce qui explique que vous n’avez pas pu continuer à signer avec une major ?

Ce que je peux comprendre avec le temps, et il en est ainsi avec presque tous les artistes, les majors choisissent de produire 3 albums. En général, s’il vous signe pour 3 albums, cela signifie que le premier a bien marché. On voit si un 2ème fonctionne aussi bien. Et, il vous donne une dernière chance avec un 3ème. Le 3ème en général, il s’agit d’une compilation des 2 premiers. Là, si vous ne leur ramenez pas suffisamment d’argent, ils arrêtent. Et, c’est ce qui s’est passé avec Zouk Machine puisque la vente se déclinait au 3ème album.

Lorsqu’on a fait un tube, il est difficile d’en faire un deuxième qui remporte un succès aussi fort que le premier. On s’est battu pour le 3ème album. On a fait tout ce qu’on pouvait, on a été disque d’or, mais rien n’a égalé Maldòn.

Qu’est-ce qui a fait la particularité de ce titre ?

Jusqu’à maintenant, je n’ai pas la réponse. Je fais actuellement des tournées. J’ai fait une 3ème tournée dans laquelle j’ai chanté dans tous les Zénith de France et je me rends compte que les parents viennent avec leurs enfants de 6-7 ans qui ne connaissent pas du tout Zouk Machine mais ils chantent cette chanson. Donc, 30 ans après, je touche une 4ème génération avec Maldòn. C’est incroyable !

Depuis 2006, vous évoluez en solo. Mais, vous avez choisi de continuer à représenter le groupe Zouk Machine. Pourquoi ce choix ?

Lorsque Dominique est partie, j’ai été obligé de choisir entre envisager une carrière en solo ou me battre pour un patrimoine qui appartenait à ma famille.

Mon frère et mon beau-frère sont les auteurs-compositeurs. Ma mère était le manager. J’ai vu la genèse de tous les morceaux de Zouk Machine. Donc, il était important pour moi de faire cela. J’ai fait un album live dans lequel j’interprète à nouveau toutes les chansons du groupe.

Je dois reconnaître, ceci dit, que j’ai fait ce choix sans savoir précisément où j’allais au début. J’ai d’abord voulu recréer un groupe. J’ai fait appel à Claudine Pennont et Béatrice Poulot qui sont d’excellentes chanteuses. Je les connaissais déjà puisqu’elles ont eu l’occasion d’accompagner notre groupe sur scène en tant que choristes. Elles étaient très bien, mais j’avais déjà 25 ans de Zouk Machine alors qu’elles faisaient leurs premiers pas dans une histoire qui leur étaient complètement étrangères. Il y avait un décalage entre nous. Pour moi, c’était un peu comme si je repartais à zéro. Donc, c’était un peu compliqué à gérer et je me suis finalement dit qu’il valait mieux continuer en solo.

Vous êtes désormais la voix de Zouk Machine. Vous interprétez également de nouveaux textes dont vous êtes l’auteur. Mais, il ne s’agit pas forcément de zouk. Pourquoi ?

Je représente Zouk Machine et le groupe a 5 albums de zouk que je continue à porter. Mais, je profite aussi pour réaliser ce que je souhaite faire. Du coup, j’ai sorti un album complètement éclectique. Il y a 2 zouks et le reste c’est de la pop, c’est du reggae, c’est un peu tout ce que j’ai aimé dans ma jeunesse. Je chante aussi dans 3 langues sur cet album : en créole, en français et en anglais.

J’ai pris 8 ans pour réaliser cet album. J’ai pris le temps d’écrire ce que je souhaitais dire, ce que je ressens. J’espère vraiment que les textes toucheront certaines personnes.

J’ai été épaulé par mon manager, Henri de Lepine, qui m’a aidé à me reconstruire petit à petit et à avoir des perspectives nouvelles. Nous avons travaillé ensemble, pendant 12 ans, étapes par étapes, la scène avec 2 choristes et le live Zouk Machine avec des musiciens tout en préparant mon album solo.

Où peut-on acheter l’album ?

Pour le moment, il est vendu en CD sur la FNAC. L’année prochaine, il sera sur les plateformes de téléchargement.

Vous êtes aussi l’auteur d’un livre intitulé Bases et voix de la scène. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

J’ai écrit ce livre afin de transmettre aux nouvelles générations quelques clés sur ce métier. Il s’agit de choses que j’ai eu à apprendre et je souhaite faire une transmission de ces connaissances à ceux et à celles qui souhaitent devenir chanteurs. Le livre présente ce qu’est le métier de chanteur et ce qu’est chanter. Il est disponible sur Internet sur le site edilivre.com.

Peut-on aussi espérer avoir un jour un livre présentant l’histoire de Zouk Machine ?

En fait, j’avais commencé par écrire l’histoire de Zouk Machine. On était encore toutes les 3. Mais, j’avoue qu’avec les départs des filles, j’ai fini par abandonner. Et, j’ai écrit ce premier livre. Mais, je pense que je vais m’y remettre.

Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

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