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« À demain si Dieu le veut » (Cheminement)

« À demain si Dieu le veut » est une expression très souvent utilisée en guise d’au revoir lorsque l’on prend congé de quelqu’un que l’on projette de rencontrer dès le lendemain. Je l’ai mille fois entendue et si à une période je ne l’ai pas utilisé, il m’arrive parfois de l’employer.

À cette formule, plusieurs réponses sont faites, selon les croyances de la personne à qui elle est destinée. Voici quelques exemples :

. Ok, à demain si Dieu le veut !

. À demain s’il plaît à Dieu !

. Si tu le veux, Dieu le voudra !

. Eh oui, on ne sait jamais de quoi demain sera fait, Espérons que tout ira bien !

. Soyons positif, à demain !

. Ne mêle pas Dieu à cela !

Cette dernière réponse retient toute mon attention. « Ne mêle pas Dieu à cela ». Je ne suis pas surprise d’une telle répartie mais la dernière fois que je l’ai entendue, elle m’était adressée et il y avait une telle brusquerie dans la réaction et le ton de la personne qui était face à moi que je suis restée sidérée et interrogative.

Le mot « Dieu » est intensément lié à la violence de cette réplique. Alors que signifie le mot Dieu pour mon interlocutrice et que signifie -t-il pour moi ? Quel cheminement a permis que cette formule ne me pose pas aucun problème.

Pour mon interlocutrice, je dirai, spontanément, que le mot Dieu ne signifie rien qui lui donne le mérite d’être mentionné lors d’une promesse de se revoir.

Pour moi c’est tout autrement. Mes pensées m’ont d’abord entrainée vers mes leçons de catéchisme, puis à une longue réflexion. Quand j’étais petite fille, le livret de catéchisme était un recueil élaboré sous forme de questions/réponses.

Nous devions apprendre, par cœur, les questions et les réponses et nous les récitions à toute vitesse, lors des interrogations, de crainte d’oublier un mot et de recevoir une punition. 

À la question « Qu’est-ce que Dieu ? », il fallait répondre :

« Dieu est un esprit éternel, infiniment parfait, créateur et maître de toutes choses. »

 1°) « Dieu est un esprit, cela veut dire qu’il n’a pas de corps. »

2°) « Dieu est éternel, cela veut dire qu’il n’a pas d’âge. »

3°) « Dieu est infiniment parfait, cela veut dire qu’il a toutes les qualités. »

4°) « Dieu est créateur, cela veut dire qu’il a fait tout ce qui existe. »

5°) « Dieu est maître de toutes choses, cela veut dire que tout lui appartient. »

Cette définition a fait naitre dans mon imaginaire enfantin des images, plutôt rocambolesques, d’un « esprit éternel / créateur et maître de toutes choses ». D’abord, j’ai visualisé une masse informe que j’ai mille fois retouchée. Elle avait de nombreuses mains, car comment peut-on créer « toutes choses » si on n’a pas des milliards de mains et de milliards de jambes et de pieds pour déposer toutes ces créations dans tout l’univers. Puis je lui ai donné la forme d’une espèce de machine géante qui faisaient jaillir d’immenses feux d’artifice et dont les illuminations, au lieu de disparaitre en retombant, donnaient naissance à tout ce qui existe… Je cherchais à comprendre, et puis si Dieu existe, qui a créé Dieu ? Et où peut-il bien être ? Ma mère, interrogée au sujet de son lieu de résidence me répondit « dans le ciel » et mon père, qui passait par là a dit « foutaise ». Maman s’indignait : « n’écoute pas ton père, c’est un mécréant. Il blasphème… ». Alors je regardais le ciel, je cherchais Dieu dans les nuages, je regardais les formes, je suivais leur mouvement, leur couleur, cherchant à voir DIEU… Et s’il était plutôt dans les étoiles… ?

  « Il faut avoir la foi, et prier » me disait maman.

Insatisfaite, j’étais.

Une fois, j’en ai parlé à une copine, elle m’a répondu que l’on n’a pas besoin de savoir tout cela et que ce qui est important c’est de retenir toutes les réponses du livret de catéchisme afin de réussir à l’examen de fin d’année et de pouvoir recevoir les différents sacrements. Elle a parlé de la tenue vestimentaire pour les cérémonies, du gâteau à 7 étages, du chaudeau, du parrain et de la marraine qui faisaient le déplacement, du grand repas de famille… Elle m’a dit que si on ne réussit pas, on ne pourra pas, plus tard, se marier à l’église et porter une longue robe blanche à traine, avec une voile et une couronne de fleurs dans les cheveux.  Elle a aussi fait allusion au cortège avec des enfants qui précèdent les mariés et des demoiselles d’honneur et leur cavalier qui les suivent…

Plus tard, j’ai cherché Dieu dans les saintes écritures. J’ai cherché à travers les versets, les paraboles, les cantiques… J’ai interrogé des personnes de grand âge, des prédicateurs, des théologiens…

Insatisfaite, j’étais.

Et puis un jour, il a fallu que je réponde à un de mes enfants qui s’interrogeait sur l’utilité de se rendre aux séances de catéchisme. Si c’est pour apprendre à connaître Dieu m’a-t-il dit, je n’ai pas besoin d’y aller. Tu n’as qu’à me dire qui il est et où il se trouve.

Ce n’était pas le moment d’hésiter ou de tergiverser. Ma réponse a jailli du plus profond de moi-même : « Dieu est cette part de lumière, ou si tu préfères, cette énergie qui est présente en toi, en moi, en chaque individu. C’est comme une force de vie cachée dans mon cœur, dans ton cœur, dans le cœur de chacun. Toutes ces parts rassemblées est ce que j’appelle Dieu. Quand tu prends conscience que tu as une part de Dieu en toi, tu peux faire appel à cette force en toi pour sortir du découragement ou du chagrin, par exemple. Quand tu comprends que chaque personne est dotée de cette même force de vie, alors tu sais que tu dois du respect à chacun, tout comme tu attends du respect de chacun… »

La réponse a pris forme comme si elle murissait en moi depuis longtemps, n’attendant que le bon moment pour sortir et m’a apporté une lueur de satisfaction. C’est ainsi que j’ai pris une nouvelle route et que j’ai commencé à chercher en moi-même. Je compris différemment les textes sacrés et que, l’extrait du catéchisme de mon enfance, « Un esprit éternel/créateur et maître de toutes choses », résonna en moi, d’une toute autre manière. Les hommes sont tous des créateurs et l’objet de leur création est d’abord conçu dans leur esprit.  Par la suite, j’ai connu des moments de lutte entre les connaissances acquises et celles qui se révélaient à moi. Des épreuves de la vie ont parfois tout chamboulé. La peur, les incertitudes, le relâchement, et bien d’autres émotions négatives ont tenté de tout faire basculer mais, toujours, cette part de lumière, présente en moi, m’a permise de me remettre sur les rails de la vie, me faisant retrouver ma sérénité. Le chemin est encore long, il y a encore à apprendre mais il est nécessaire  de rester vigilant et de veiller à préserver son état de sérénité. En effet, cet état demeure bien fragile et si on n’y prend garde, on se retrouve très facilement, de nouveau, dans la turbulence.

Pour revenir à la formule « à demain si Dieu le veut », je dirai d’abord, que je l’ai, longtemps, considéré comme une expression banale, disons folklorique qui caractérisait le salut de nos voisins quand j’étais enfant. J’y accordais peu d’importance. Je n’éprouvais pas le besoin de l’employer et si quelqu’un me saluait de la sorte je répondais une banalité sur un ton amusé. Maintenant, il m’arrive de l’utiliser sans aucune gêne.

Si, aujourd’hui, dire « à demain si Dieu le veut » ne me pose aucun problème c’est que je pars du principe que, même si je peux tout mettre en œuvre pour réunir les conditions nécessaires aux retrouvailles du lendemain, je reste consciente que des imprévus, indépendants de ma volonté, peuvent surgir et me contraindre à changer mon programme. 

Je peux donc dire « à demain si Dieu le veut »   tout en comprenant que quelqu’un refuse formellement cette formule.

À prochainement si Dieu le veut.

 

Camille

Octobre 2020

Camille

Citoyenne lambda en quête de la connaissance de son propre soi, je suis une chercheuse non scientifique qui se fonde sur l'introspection.

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